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L’importance de l’autorégulation dans le rétablissement des dépendances

Photo du rédacteur: Genevieve LafreniereGenevieve Lafreniere

Dernière mise à jour : 7 févr.

Méditation

Se rétablir d’une dépendance est un processus profond et exigeant qui va bien au-delà de l’arrêt de la consommation. Qu’il s’agisse d’alcool, de drogues, de nourriture, de travail ou même de relations toxiques, la dépendance n’est souvent que la surface d’un déséquilibre intérieur plus profond. Une fois la substance ou le comportement retiré, il reste un vide, une instabilité émotionnelle et parfois une grande vulnérabilité face aux défis du quotidien. C’est là qu’intervient l’autorégulation : la capacité à gérer ses émotions, ses pensées et ses réactions sans se tourner vers des mécanismes d’évitement destructeurs.


L’autorégulation est la faculté de moduler ses états internes sans dépendre de stimuli externes pour retrouver un équilibre. C’est ce qui permet de traverser une montée de stress sans se précipiter sur un verre, de supporter une solitude passagère sans fuir dans une compulsion alimentaire ou de gérer une émotion douloureuse sans l’anesthésier. Lorsqu’on a été pris dans la spirale d’une dépendance, notre système de gestion émotionnelle est souvent défaillant. C'est pourquoi on entend souvent dire dans les salles de meetings que la dépendance est la maladie des émotions. On a appris à apaiser notre malaise en consommant, en évitant, en recherchant une gratification immédiate plutôt qu’en affrontant directement ce qui se passe en nous. Sortir de cette dynamique demande un travail profond pour reconstruire cette capacité d’autorégulation.


L’une des principales raisons pour lesquelles l’autorégulation est si difficile après une dépendance est que le cerveau a été conditionné à chercher un soulagement rapide et puissant. L’usage prolongé d’une substance ou d’un comportement addictif modifie la chimie cérébrale, notamment dans les circuits de la dopamine, rendant la gratification immédiate bien plus attrayante que toute autre forme de réconfort plus naturelle et progressive. De plus, de nombreuses personnes aux prises avec une dépendance ont, dès le départ, une difficulté à gérer leurs émotions. Comme Dr Gabor Maté nous le rappelle, cela peut venir d’une enfance marquée par des traumatismes, un manque d’encadrement émotionnel ou simplement d’une personnalité plus sensible aux fluctuations internes. Dans ces conditions, sans une substance ou un comportement pour tempérer la douleur, on se retrouve face à des vagues émotionnelles sur lesquelles on navigue difficilement.


Apprendre à s’autoréguler, c’est accepter que l’inconfort fait partie de l’expérience humaine et qu’il est possible de le traverser sans s’effondrer ni chercher à le fuir. Il existe plusieurs façons d’y parvenir qui demandent patience et pratique. D’abord, il est essentiel de prendre conscience de ses déclencheurs. Chaque personne a des moments de vulnérabilité où le besoin de compenser devient plus fort. Ça peut être le stress, la fatigue, le rejet, l’ennui ou même l’excès de stimulation. On peut aussi se rappeler l'acronyme HALT qui rappelle les déclencheurs classiques d'une soif : (hungry, angry, lonely, tired - la faim, les frustrations, la solitude, la fatique). En identifiant nos propres déclencheurs, on peut mieux anticiper les situations à risque et choisir une réponse plus adaptée.


Ensuite, il est crucial de réapprendre à ressentir pleinement. Une émotion désagréable n’est pas une catastrophe, c’est un message du corps et de l’esprit. L’idée n’est pas de la supprimer, mais d’apprendre à la laisser passer sans agir impulsivement. La respiration profonde, la méditation et l’écriture peuvent aider à observer ses émotions sans s’y noyer.

Le mouvement physique joue aussi un rôle clé dans l’autorégulation. L’exercice, même modéré, permet d’évacuer le stress accumulé. Une simple marche, du yoga, ou une séance de sport peut faire une différence significative dans la capacité à gérer l’anxiété et les cravings.


Un autre aspect fondamental est l’autocompassion. Beaucoup de ceux qui se rétablissent sont durs avec eux-mêmes, se jugeant sévèrement pour leurs erreurs passées ou pour leurs moments de faiblesse. Or, s’autoréguler, c’est aussi apprendre à se parler avec douceur, à reconnaître qu’on fait de son mieux et que la perfection n’est pas un critère de réussite. L’environnement joue aussi un rôle déterminant. S’entourer de personnes bienveillantes, éviter les situations à risque et créer des routines saines sont autant de moyens d’éviter que l’instabilité émotionnelle ne mène à une rechute. L’autorégulation n’est pas qu’un travail interne; elle se nourrit aussi de ce qui nous entoure.


Lorsqu’on développe la capacité à s’autoréguler, le rétablissement devient plus solide et durable. On n’est plus constamment en lutte contre soi-même mais en apprentissage continu. L’anxiété diminue, les relations deviennent plus équilibrées et l’on retrouve un sentiment de maîtrise sur sa propre vie. Mieux encore, l’autorégulation permet de découvrir un bien-être plus authentique que celui que pouvait offrir la dépendance. Il ne s’agit plus de chercher à fuir l’inconfort à tout prix, mais d’apprendre à vivre pleinement, avec les hauts et les bas, en sachant qu’on a en soi les ressources pour y faire face. Lire mon article sur la sobriété émotionnelle qui décrit bien cette souveraineté retrouvée.


Le rétablissement ne consiste pas uniquement à cesser de consommer. C’est un processus bien plus profond qui implique de reconstruire sa relation avec soi-même. L’autorégulation est au cœur de cette transformation, car c’est elle qui permet de traverser les tempêtes sans sombrer, de gérer ses émotions sans béquille, et de redécouvrir la liberté d’être pleinement présent à sa propre vie. Apprendre à se gérer est un chemin qui demande du temps, mais chaque pas fait dans cette direction est une victoire. Plus on développe cette capacité, plus on s’éloigne de la dépendance et plus on s’ancre dans une vie où l’on se sent véritablement en contrôle, non pas parce qu’on domine tout, mais parce qu’on sait qu’on peut traverser chaque épreuve avec force et résilience.


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